D’Endoume aux Goudes : la nuit ma Zik d’un rhéné

Culture | 0 comments

Par Eric

22 août 2023

Motchus, quand j’y joue, c’est à dire tous les jours, il me faut de la musique dans le Walkman pour m’accompagner. À minuit pile, aux douze coups lâchés par l’Église d’Endoume – j’habite dans la traverse d’à côté – ma longue journée de retraité m’a tellement fatchigué que j’ai besoin d’un tempo nerveux pour quitter mon costume de mouligas et me mettre en action.

Sans musique, j’ai vraiment le cerveau lent, je m’avachis sur le clavier du téléphone, et là, macach bono la grille Motchus du jour. Je m’endors jusqu’à trois heures du matin et quand je me réveille en sursaut, j’ai la chichourle si estranssinée que l’inspiration s’est escapée.

Ordoncques, j’attaque souvent ma partie par Locomotive Breath de ce bon vieux Jethro Tchull. Qué rapport, vous allez me demander. C’est que depuis tout minot, j’adore les locomotives – mon père m’amenait les bader sur les quais de Saint-Charles – et je me régale quand les doigts de Jethro sur les touches de sa flûte traversière accompagnent les miens sur l’écran,

Parfois c’est Locomotive de Mister Thelonius Monk qui nourrit mon imagination avec son tempo presque improvisé.

Le Tavarisme c’est ça. Ne rien calculer, surtout ne rien espincher sur les grilles des collègues – ça, misère, c’est bon pour les calvinistes ouhanistes – mais imaginer, oser, tenter, se lâcher, avancer droit devant, et accepter de se manquer. 

Bon, le jeudi ou le dimanche, quand Médé nous a concocté un mot acatien sans initiale ou puisé dans l’un des milliers de ses dictionnaires du début du XXeme siècle, presque à chaque fois, je me narre. Du coup, après deux tentatives vaines avec zéro case rouge et seulement trois petites cases aux ronds jaunes, je change de K7. Je me mets Pacific 231 d’Arthur Honegger. C’est un peu stressant comme morceau mais il accompagne pile poil mon esquichade de neurones. Et puis j’apprécie tellement le climat hitchcockien produit par le crescendo du mouvement symphonique, impeccable prélude à mon immanquable périple en direction des Goudes. 

Le troisième essai ne m’offre pas plus qu’un rond jaune supplémentaire. Action, réaction : la mise en route vers la Corniche se précise, le jetage aux Goudes se dessine. Dans ce sens-là, la rue Pierre Mouren qui m’accueille épargne mes pauvres guibolles mais mèfi aux estrons de chien ! Le trottoir en est càfi. De nuit, moins deux tu t‘estramasses ! Surtout avec les yeux scotchés à l’écran. 

Le quatrième coup, je le tente au grand air, en marchant vers David, juste avant le Pont de la Fausse Monnaie, tout en saluant la plagette où j’appris à nager. Je remise la K7 d’Honegger dans la poche de mon Bleu de Chine et la remplace par Opérette, piste 9. Entre les oreilles, Autour de la Corniche de Moussu T e lei Jovents sur des paroles d’Alibert.  Cette chanson, je l’adore. Sa poésie m’apaise. Je me l’écoute plusieurs fois. Il n’y a plus de tramway depuis belle lurette pour m’avancer vers l’illustre statue toute nue mais je sais que le 19 m’attend là-bas presque à ses pieds. Ce sera dans quelques heures. 

Une fois dépassé le Marégraphe, à hauteur du Vallon de l’Oriol, voilà que mon baladeur enchaîne tout seul avec la piste 10 : Des mots d’amour à minuit. Là, je fonds, pardi ! Personne à courtiser ou embrasser autour de moi mais il vaut mieux, tè. Parce que Motchus fait son jaloux, il me rappelle à lui. Pas content que je divague vers les chimères et les songes chantés par Tatou.

Plus que deux tentatives donc. Arrivé au-dessus du Prophète, je mets la K7 sur pause et je me creuse un peu le teston, assis sur le banc le plus long d’Europe. Face à la mer, je tente d’imaginer la bonne soluce pour m’éviter le premier degré du marquemalisme incarné par la toute dernière ligne à colorier. Il fait nuit noire, alors je relance le Walkman et mets de la couleur en pagaille avec Qu’elle est bleue de MSS. 

Le marquemalisme étant presque comme une seconde nature, je gère tranquille, un peu las et tristounet devant le constat de ma nullité, mais tout en maîtrise, sans râler comme souvent Claude, invétéré ouhaniste masochiste, vexé de ne pas claquer son quatrième strike de la semaine.

Et quel meilleur titre pour accompagner l’état dans lequel j’erre que L’apiculteur chanté par Alain Bashung. « … L’heure c’est l’heure, on n’est pas d’humeur à verser des pleurs… »

Parfois, en fonction de mon degré de fatchigue, face à la maigreur de ma récolte, je choisis Il voyage en solitaire, en VO-Gérard Manset, et je me remets en marche en descendant vers le Parc balnéaire du Prado. 

La cinquième ligne de la grille ? Pas de mystère. Elle se passe de commentaire. Deux cases rouges ont beau surgir sur l’écran du téléphone aux côtés de quatre ronds jaunes, ça fait bien peu pour ce mot de onze lettres. Plus qu’une chance et une énième confirmation : même si le mistral se met à forcir, aujourd’hui encore, je vais rejoindre sans coup férir la colonie des escagassés du Motchus. Mais pas question de tout envoyer en cul. S’accrocher, toujours y croire, faire l’arapède jusqu’au bout et garder la foi en l’irruption possible du déclic qui pourrait m’éviter de prendre une nouvelle fois un boc devant les collègues de la tchim.

Au point de rointage où j’en suis, ce sont déjà plusieurs bocs que je vais m’avaler près de la caravane à Ber !

Ne pas renoncer donc, et là, changer encore de K7 et convoquer Freddy. The show must go on. Piste 22. Queen dans les oreilles pour une Plage du Prado Rhapsodie qui à coup sûr me donnera la force de me mettre à cent pour cent dans le rouge.

Encore raté ! Zéro sur six ! Cette fois encore, me voilà le cador du  marquemalisme ! Un rang partagé avec quelques autres fadolis de Motchus qu’au lever du jour je verrai tantôt errer autour de l’arrêt La Plage du 19. En première ligne de ce groupe de rhénés trône l’ami Pierrot Dégun le Pacoulin, le véritable roi du Motchus en six. Ou en zéro sur six. Toujours tout sourire le minot, alors que nous autres tirons toutes et tous de drôles de figures d’anchois. On a beau cultiver la résilience tavariesque, on a sa petite fierté et surtout on a bien conscience de la marge de progression large comme la Porte d’Aix qu’il nous reste. Donc on marronne un peu, on fait la bèbe, on se dit bonjour du bout des lèvres, on se calcule à peine tandis que Pierrot, lui, hilare, se moque de mon Walkman et me demande s’il est amphibie. 

Le jour se lève, le Balerdixneuf est en approche. Allez, encore un peu de musique pour m’accompagner sur les13 arrêts qui restent jusqu’à la Madrague Montredon. Il me faut de la douceur, donc l’Opus 13 de Beethoven s’impose. Cette sonate pour piano dite Pathétique tombe à pic.

Vé, le temps de payer mon ticket – plein tarif bien sûr – je reconnais Jeff planqué tout au fond du bus. Il est monté à Castellane. De temps en temps nous nous retrouvons en direction des Goudes, les jours où lui aussi il s’est manqué sur toute la ligne. Il brandit sa musette bourrée jusqu’à la gueule de litrons de Patrimonio et de sandwiches au figatelli fraîchement ramenés de l’île de Beauté. Il rigole tellement, le novi, qu’on dirait lou Ravi de la crèche. C’est un tavariste partageux, Jeff, tout comme Ber, le papet nîmois à la caravane. Lui, comme aux Goudes il joue à domicile, il se charge du jaune et des glaçons. Parmi le moulon de candidat.e.s au jetage, nous nous attendons à retrouver Blah, l’académicien de Hors Jeu, le maestro des chroniqueurs de l’OM. Jamais là le gàri ! Lui aussi joue parfois comme un vier marin, mais il a une excuse : le Vaucluse, c’est loin.

Des fois, nous croisons Laurence et Olivia, nos deux reines comme nous les surnommons. Elles aussi connaissent la joie de poster sur Twitter des grilles très colorées, mais moins que nous quand même. Pour leur remonter le moral, je débranche le casque du Walkman et je mets Massilia Sound System à fond et son interplanétaire tube Dimanche aux Goudes

Dans le 20 qui nous mène au terminus, nous les pébrons du Motchus, nous nous passons en boucle un bon vieux Jo Cocker, With a little help from my friends.

Arrive ensuite l’heure de se jeter, mistral ou pas mistral, mer glacée ou pas glacée, histoire de tourner la page pour quelques heures, jusqu’au Motchus du lendemain.

Tout en nous promettant de nous retrouver ici même le plus tard possible, un verre de fly ou deux en mains, nous entonnons tous ensemble et à tue-tête le refrain de notre chanson fétiche, le véritable hymne des super marquemal : « Quand tu n’as que des bons amis, tu crains dégun, tu crains dégun ! »

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