A l’Ancre des Goudes

Culture | 1 commentaire

Par Eric

1 avril 2023

Bien moins m’as tu vu que le Vieux-Port, et ses éternelles poissonnières, à mille lieux de Paradis-Périer, et ses tristes bourges à l’accent jambon, aux antipodes de l’Estaque, et ses populaires et exubérantes joutes pour trois chichis, les Goudes – jusqu’au récent déferlement de motchusiennes et motchusiens à l’agonie – a toujours cultivé la sereine réputation d’un quartier paisible, sans esbrouffe, et la fierté discrète d’être le village marseillais préféré des gens de lettres.

« D’où que l’on vienne, on est chez soi aux Goudes. Dans les rues, on croise des visages familiers, des odeurs familières », écrit le local de l’étape et regretté Jean-Claude Izzo, entre deux romans, trois poèmes et quatre sorties en bateau.

Oui, l’arrivée aux Goudes par la mer ou à bord du 19 reste à chaque fois un souvenir impérissable, et Alphonse de Lamartine n’exagère pas en s’écriant :

« Et toi, Les Goudes, assise aux portes de la France, comme pour accueillir ses hôtes dans tes eaux ! »

Joseph Conrad a beau écrire que pour lui, « les Goudes est un village qui mène vers l’inconnu », Jean Cocteau ne perd pas le sens de la mesure en déclamant dès sa descente de bateau :

« Les cafés des Goudes
Sont plus beaux que le port
Les motchusiens s’y asseyent
Dans des carrosses d’or. »

Un bon siècle avant lui, la confession de Gérard de Nerval reflète en douceur le rêve secret des fracassés de Motchus lorsqu’ils débarquent du 19 : « C’est aux Goudes que je m’arrête d’abord. Tous les matins, je vais prendre les bains de mer au petit-port, et j’aperçois de loin en nageant les îles riantes du golfe. »

Les Goudes are ze place to be, Claude McKay ne dit pas autre chose lorsqu’il proclame
« Aucun autre décor ne pourrait mieux convenir aux motchusiens du bord de mer… ils partagent leurs jours entre la jetée, les docks et les Goudes… rien d’autre ne semble compter pour eux. »

Un véritable coup de cœur ressenti de bonne heure – et de bonne humeur – par Simone de Beauvoir lorsqu’elle avoue « grimper sur toutes les rocailles, roder dans toutes les ruelles, respirer le goudron et les oursins des Goudes et avoir le bàti bàti. »

Avec un accent parisien très prononcé, Guy de Maupassant ose se moquer en lâchant cette infamie : « Tous les Motchusiens réunis aux Goudes donnent à l’accent une exagération qui prend les allures d’une farce », mais Émile Zola lui met de suite la honte en lui rappelant
« joyeusement le souvenir de rougets grillés qui parurent lors d ‘un déjeuner qu’ils avaient fait ensemble aux Goudes, autrefois. Ah les Goudes, le seul village où l’on mange ! »

Walter Benjamin ne se même pas de cet engambi mesquin. Il préfère évoquer un souvenir visuel cher à son cœur, comme une navette de Proust :

« Je me baladais sur les quais des Goudes et je lisais, les uns après les autres, les noms des bateaux qui y étaient amarrés. Ce faisant, une joie incompréhensible me saisit et je souris, à tour de rôle, à la face de tous les prénoms féminins. »

Le Vel de la joie, ou plutôt le temple de la félicité, voilà ce que représente les Goudes pour chacun de ses visiteurs – les nervouzzis de Motchus aux grilles longues comme un jour sans jaune oseront un jour se l’avouer. Ce sentiment profond et durable – sans doute déjà ancré à vie chez chacune et chacun d’entre nous – André Suares le résume d’une façon
implacable :

« Il serait bien peu clairvoyant, il manquerait trop de mesure, celui qui voudrait faire des Goudes un village morne… À vrai dire, pas une grosse ruche d’hommes au monde ne donne, au même degré, le son de la joie et le sens de la gaité. »

crédit photo : Freepik

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